3 - Allocution de RAO Shuguang : Le film ethnique chinois – la diversité culturelle et esthétique

Secrétaire général de l’Association des professionnels du cinéma de Chine, Ancien directeur adjoint des Archives du film de Chine
lundi 23 octobre 2017

Merci à notre modérateur.

Mesdames, Messieurs, bonjour.

Merci à Madame Gao, Présidente du Festival.

C’est la deuxième fois que je viens à Paris pour participer au Festival du Cinéma Chinois de Paris, qui a apporté sa grande contribution au rayonnement international du cinéma chinois. Je remercie également le CNC. J’espère qu’une relation plus étroite pourra s’établir à travers notre Association des professionnels du cinéma de Chine, pour renforcer la collaboration et les échanges cinématographiques entre la Chine et la France.

Aujourd’hui, mon intervention est intitulée « Le film ethnique chinois – la diversité culturelle et esthétique ».

La Chine est depuis longtemps un pays multi-ethnique unifié, riche d’une grande diversité culturelle, où chaque groupe ethnique possède ses propres traditions culturelles et spirituelles, mais qui font tous partie intégrante de la civilisation chinoise. En même temps, tous les groupes ethniques reconnaissent qu’ils appartiennent à la nation chinoise avec le principe d’une seule Chine.

Par conséquent, la création et la production cinématographiques des ethnies minoritaires en Chine, relèvent non seulement de l’aspect artistique et esthétique, mais aussi d’une préoccupation d’unité, d’égalité et de développement nationaux. Ces films sont un important vecteur pour promouvoir et développer une culture nationale diversifiée et aussi pour réaliser la prospérité et le progrès communs multi-ethnique.

En Chine, le cinéma ethnique est un élément important et incontournable du cinéma chinois, notre état et ses dirigeants lui portent toujours un grand intérêt et une grande importance. En 1950, le film 《La Victoire du peuple de Mongolie Intérieure》, dont la production a été organisé par le premier ministre Zhou Enlai, et dont le président Mao en a défini le titre, est devenu l’œuvre fondatrice du cinéma ethnique de la nouvelle Chine. Au cours de la quinzaine d’années suivantes, les films tels que « Liu San Jie », « Les Cinq fleurs d’or », « Ashima », « Les Visiteurs de la Montagne Glacée » et « Le Serf » ont été produits. Ces films sont des classiques des films ethniques de cette époque, qui ont rencontré un succès phénoménal.

Cependant, les films des ethnies minoritaires chinoises des années 50 - 60 ont plutôt porté une fonction et obligation de propagande. Ainsi, ces films ont des thèmes relativement simples :raconter la libération de la classe exploitée, ou décrire le rapprochement entre les Han et d’autres groupes ethniques, pour renforcer l’unité entre eux.

Après la réforme et l’ouverture, les restrictions politiques ont été diminuées pour les artistes, ce qui a conduit à la sortie d’une série de films qui montrent l’histoire et la culture des groupes ethniques avec un nouvel angle de vue. Par exemple, dans les années 80, “Terrain de chasse” et “Le Voleur de chevaux” ont été réalisé par Tian Zhuangzhuang, un réalisateur connu de la cinquième génération.

Dans les années 90, il y a eu “L’Étalon noir”(« A Mongolian Tale ») réalisé par Xie Fei, ainsi que “L’Âme de la steppe” et “Le Retour des héros vers l’Est” réalisés par notre Mailisi et Saifu. Après 2000, il y a “Nuoma” et “Le Mariage de Tuya”.

Je me souviens qu’en 2007, j’ai emmené la délégation chinoise ici pour participer aux événements du Festival du cinéma chinois de Paris. Notre réalisatrice Ou Chouchou, a participé à ce Festival avec son premier films « Anayi » .

Pendant une période depuis la création de la nouvelle Chine, en raison du manque de professionnels, les films sur le ethnies minoritaires étaient réalisés par des équipes composées principalement des Han, ainsi les films sont en mandarin, et donc portent une centaine empreinte historique.

Mais depuis “ A Mongolian Tale ” dans les années 90, les films parlés en langue maternelle des ethnies minoritaires sont de plus en plus nombreux. En particulier, en 2005, “Le Silence des pierres sacrées” du réalisateur tibétain Pema Tseden est considéré comme le premier vrai film de langue maternelle minoritaire en Chine.

Depuis ce film, la masse de la création du cinéma en langue maternelle des ethniques minoritaires a sans cesse grandi. Ces films racontent l’histoire de leur propre ethnie en utilisant leurs propre langue et angle de vue, de sorte que l’on passe des films ethniques construits sur des notions nationales à des œuvres plus personnelles. Nous arrivons ainsi à une « modernisation » et aussi à un développement créatif dans la création des films ethniques.

En 2011, lors la première édition du Festival international du film de Beijing, une section des films des ethnies minoritaires en était une partie importante, et depuis, elle est devenue une originalité et un point fort du Festival International du Film de Pékin. Alors que dans le Festival international du film de Shanghai créé en 1993, il n’y a toujours pas de section consacrée aux films des ethnies minoritaires. 30 films de langue maternelle minoritaire ont été sélectionnés dans le Festival international du film de Beijing en 2011. C’était probablement la première fois qu’un festival montrait au monde le plus grand nombre de films dans leurs nombreuses langues maternelles.

Cela reflète les progrès artistiques du cinéma ethnique chinois. Il montre également la diversité du dialogue entre les multiples cultures chinoises et la civilisation du monde, et contribue à l’assurance de la modernisation nationale et de la prospérité culturelle commune.

Le marché du cinéma chinois s’est développé très rapidement. Parti de plus d’un milliards il y a dix ans, on arrive à 44 milliards l’an dernier, et cette année il pourrait atteindre 50 milliards. Par rapport à ce développement rapide, le marché du cinéma ethnique est dans une situation marginale. Face à cette situation, le Festival international du film de Beijing a donc offert une plate-forme pour le développement du cinéma ethnique, une plate-forme de communication et d’échanges, pour que les films ethniques puissent avoir plus d’occasions d’entrer sur le marché du cinéma.

Je suis moi-même d’une minorité ethnique, les Tujia. Il y a 3 ou 4 ans, je me suis consacré à l’étude du cinéma ethnique. J’ai écrit un livre de six cents mots, “L’Histoire du cinéma des ethnies minoritaires chinoises”. Cette œuvre a remporté le prix le plus élevé en Chine des critiques d’art. La traduction en anglais de ce livre a été terminée, il va être publié bientôt. La version allemande est en négociation.

Quand j’étais directeur général adjoint des Archives du film de Chine, j’ai également organisé plusieurs événements et projections de films ethniques. Je fais de mon mieux pour le développement du film ethnique, agrandir le marché et attirer plus de spectateurs.

En octobre 2013, le Plan des film sur les minorités chinoises a été lancé par la Commission des affaires ethniques de l’État et l’Association des écrivains de Chine. C’est un projet culturel important de l’État. C’est une plate-forme du cinéma construite par le gouvernement et gérée par le marché. Pour le développement des films ethniques, il a une grande signification et une grande valeur. Ce plan soutien principalement trois catégories de films :

- La première est dans le domaine de l’intérêt public.
La Chine est un pays composé de multiples ethnies, en plus des Han, il y a 55 ethnies. A l’époque, 22 ethnies n’avaient pas encore leurs propres films. Récemment, cinq d’entre elles ont créé leurs propres œuvres, donc il reste encore 17 ethnies minoritaires qui ne possèdent pas leurs propres films. Parce que la population de certaines ethnies minoritaires est très petite. Mais l’état est en train d’agir car il s’agit du domaine de l’intérêt public. C’est dans le but de protéger nos cultures nationales.

- La deuxième catégorie est dans le développement de grands films. Nous voulons façonner le cinéma de grands spectacles des ethnies minoritaires. “Le Trésor de Genghis Khan” réalisé par notre Mailisi est en tournage en ce moment. On a aussi “La Légende de Temujin” du réalisateur Hasichaolu, qui représente un investissement de plus de 100 millions de yuan, puisque nous espérons que les films ethniques peuvent obtenir un meilleur développement au niveau du marché.

- La troisième catégorie, c’est dans le domaine international. Nous voulons faire plus de dialogues et d’échanges avec le cinéma du monde sur la scène du cinéma international. Tout à l’heure Madame Gao, la présidente du Festival, a évoqué la passion de la France pour le cinéma, la diversité culturelle du cinéma français est excellente. Nous aussi, nous souhaitons ne pas suivre le modèle Hollywoodien tout simplement, mais nous devons avoir l’esprit large, accepter l’ excellence de la culture du cinéma de chaque pays dans le monde. Beaucoup de mes étudiants, ainsi que de
nombreux spectateurs chinois y compris les jeunes, aiment énormément les films français.

En outre, dans le Festival de films du Coq d’or et des Cent fleurs organisé par l’Association des professionnels du cinéma de Chine, on propose chaque année une sélection d’une des ethnies minoritaires, une dizaine de films ethniques sont projetés. Nous y organisons également un forum du cinéma des ethnies minoritaires, ainsi que des rencontres. Nous adoptons toutes sortes de moyens, pour promouvoir les films ethniques.

Par exemple, il n’y a pas si longtemps, dans ma ville natale Chongqing, il y avait un événement autour de films ethniques, le réalisateur Ning Jingwu et la réalisatrice Ou Chouchou y ont également participé.

Aujourd’hui, l’influence et la propagation des films ethniques sont en augmentation constante.

L’année prochaine, les Festivals de film du Coq d’or et des Cent fleurs se tiendront à Hohhot en Mongolie intérieure. Ce sera aussi le 70e anniversaire de la création de cette région autonome. Alors nous allons organiser une série d’activités liées aux films de minorités ethniques. Dans cette région il y a une chaîne de cinémas destinée aux films de minorités ethniques, qui recherche maintenant un meilleure organisation afin d’optimiser la distribution de ces films.

Dans un contexte d’internationalisation, de commercialisation et de mondialisation, les films de minorités ethniques chinoise jouent un rôle de leader dans la diffusion internationale du cinéma chinois. Monsieur Huang Shixian, qui est avec nous dans la salle, promeut souvent nos films ethniques chinois dans des festivals internationaux de cinéma. Il y a beaucoup de films ethniques destinés à un public restreint, par exemple, « River Road », qui sont devenus très populaires en Chine, il a y aussi de belles présentations dans des festivals internationaux.

Je suis aussi très content de voir aujourd’hui parmi nous le réalisateur du film « Le Promeneur d’oiseau », qui obtient un grand succès en Chine. En fait, cela montre également une tendance d’homogénéité des films commerciaux sur le marché chinois.

Les films ethniques ont beaucoup contribué à la diversité du cinéma chinois, puisque la riche culture et les traditions des minorités ethniques est un trésor inépuisable pour le cinéma. Nous avons beaucoup de leurs mythes et légendes, coutumes et traditions, y compris les chants et les danses, qui peuvent servir de sujet pour un film. Et donc tout cela favorise la diversité culturelle et esthétique du cinéma ethnique chinois.

Jusqu’à présent, selon les statistiques effectuées par mon équipe, le cinéma minoritaire chinois a probablement produit presque 1 200 films. Cette grande quantité est très rare dans le monde.

En 2015, j’ai publié un article dans le « Journal Clarté », disant que le cinéma ethnique chinois est entré dans un nouvel âge d’or. Il y a eu un grand nombre d’œuvres de grande qualité, y compris beaucoup de films en langue maternelle ethnique. Par exemple, « Norjmaa » du réalisateur Bayin, dont l’actrice principale Badema a remporté l’année dernière le prix de la meilleure actrice de notre Festival de films du Coq d’or et des Cent fleurs. C’est le prix le plus important en Chine qu’a remporté un film d’une minorité, cela a stimulé énormément l’enthousiasme pour la création
de films ethniques.

Beaucoup de gens pensent que les films en langue maternelle sont tous des films de minorités ethniques tournés par des réalisateurs des ethnies minoritaires. Mais pas toujours. De nombreux films de langue maternelle sont réalisés par des réalisateurs Han. Par exemple, le réalisateur du film « Phurbu & Tenzin » est de l’ethnie Han.

Personnellement, je ne pense pas que l’identité nationale est le seul critère du film ethnique. Le plus important, c’est de respecter la culture ethnique et de respecter leurs propres traditions, de mettre à l’écran fidèlement la vie telle qu’il la ressent, et de pouvoir obtenir l’assentiment du public.

Il y a beaucoup de controverse en Chine sur l’identité du film ethnique. Certains pensent que la culture ethnique ne peut être montrée de façon complète que par les cinéastes ethniques. Je pense que c’est un peu arbitraire. Parce qu’il est important d’adopter une position d’égalité et d’objectivité sur la qualité artistique. En conséquence, une participation des cinéastes de différents groupes ethniques peut aboutir à un style artistique offrant plus de perspectives, plus d’expressions et plus de recherches esthétiques, ce qui, d’après moi, a une action positive pour la diversité et la prospérité de l’ensemble du cinéma ethnique.

En Chine, en tant que culture, les films ethniques ont leur particularité. Ils ne sont pas simplement un produit à consommer, mais ils incarnent l’image de ethnie ainsi que leurs traditions et leur esprit culturel.

Face à la globalisation de la langue, nous savons qu’il y a une puissante hégémonie de la parole, nous soulignons que notre cinéma ethnique doit avoir une conscience culturelle ainsi qu’une expression propre, et poursuivre cette diversité culturelle basée sur cette conscience.

La Chine est un pays multi-ethnique. La diversité culturelle, la convergence de cette diversité, ainsi que de multiple aspects de la nation chinoise s’y manifestent. En conséquence, le cinéma ethnique a plus de signification stratégique et de valeur.

Face aux défis du marché, le cinéma ethnique chinois doit aussi se battre pour sa propre survie selon les règles du marché. Il doit augmenter sa diffusion et son influence sur le marché du cinéma à travers l’augmentation de sa propre qualité. Bien entendu, le cinéma ethnique n’est pas seulement un “marché”, il est aussi en quelque sorte une “champ de bataille”.

Les cinéastes ethniques doivent défendre leur influence artistique, défendre leur poursuite artistique également, ainsi qu’améliorer la qualité de leurs films afin de sécuriser leur droit de parole et d’exister. En même temps, l’État devrait offrir plus de soutien a la diversité culturelle, la sécurité culturelle et la stratégie culturelle, pour promouvoir le développement diversifié des films ethniques, afin de réaliser la diversité culturelle et esthétique du cinéma ethnique chinois.

Merci à tous.


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